Ils sont nombreux à nous l’avoir dit : le circuit des marinas rustiques et familiales des Broughtons, c’est peut-être bientôt fini.
Une chose est sûre : sur les huit marinas listées dans les guides pour l’archipel, deux sont fermées et ont disparu et sur les six encore en opération, trois sont en vente et les repreneurs ne se bousculent pas.
Il y a l’exception de Lagoon Cove qui vient d’être reprise. Jim vit à Saint Louis, Missouri. Sur un coup de cœur, il a acheté la marina pour sa fille et son gendre qui la gèrent au quotidien avec beaucoup de dynamisme. La vente de carburant pour les bateaux de pêcheurs leur assure un revenu annuel régulier qui équilibre l’exploitation saisonnière de la marina.
La saison, d’ailleurs, s’est raccourcie. La route vers l’Alaska est moins fréquentée, sauf peut-être par les paquebots de croisière. Du coup moins de bateaux de plaisance transitent en juin ou en septembre dans les Broughtons.
Sur les bateaux, les équipages ne rajeunissent pas. A Jennis Bay, Heather, 85 ans, accoste gaillardement à la barre de son 46 pieds. Nous sommes parmi les plus jeunes. Jack, 80 ans en septembre, remonte à la main ses casiers à 300 pieds de fond. Selon lui, la génération suivante n’a pas pris le relais. « Ils ont d’autres envies pour leurs vacances.»
Il est vrai que les services sont rares dans les Broughtons. Sur les six marinas ouvertes, aucune ne propose de ramassage des ordures. Trois n’offrent ni eau, ni électricité sur les pontons et ne disposent pas de sanitaires pour leur clientèle. Sans parler de l’absence de réseau de télécommunications. « Tant qu’Amazon ou Microsoft n’auront pas installé l’internet par satellite partout, les plus jeunes ne viendront pas. » conclut Max, propriétaire de la marina de Kwatsi Bay.
Aujourd’hui, les trawlers classiques qui filent 7 nœuds comme Brittany Belle, sont en voie de disparition. Il ne s’en construit pratiquement plus. Les modèles plus récents ont deux gros moteurs pour revenir vite au port à la fin du weekend. Le marché se divise entre les petits bateaux aux moteurs rapides pour la pêche à la journée et les gros bateaux autonomes car équipés de dessalinisateurs d’eau de mer, de générateurs puissants et de télécommunications par satellite.
Alors qui viendra demain admirer les Broughtons ? Peut-être une clientèle plus étroite mais plus fortunée. A Sullivan Bay, les maisons flottantes s’évaluent entre 350 et 450 000 dollars. A Little Nimmo Bay, le restaurant qui affiche un menu à 195 dollars, dispose de 4 pistes d’hélicoptère pour accueillir ses clients d’un soir.
Quant à nous, tant qu’il est encore temps, nous avons prévu d’y revenir l’an prochain. Avant d’aller plus loin vers le Nord ?