Avant tout, la nature est magnifique : ces montagnes couvertes de forêts, ces îles au milieu desquelles serpenter, ces mouillages solitaires dans des baies protégées de toutes parts, les bleus, les gris, les verts, l’eau… nous ne nous lassons pas de nous gaver d’images inoubliables. Elle a bien du mérite, cette nature, parce que, sous la surface, elle donne des signes de fatigue.
L’exploitation forestière n’est certes plus ce qu’elle était. Une fois tous les grands arbres emportés, la belle époque des grandes coupes a laissé la place à des nouvelles plantations, et à une exploitation plus modeste. Pourtant, elle continue à défigurer la montagne, à abimer les sols, à laisser ses déchets sans se retourner.
La pêche non plus n’est plus ce qu’elle était. Il y a une centaine d’années, il y avait dans la région plus de 60 conserveries de poissons qui traitaient les prises locales. Elles ont mis la clé sous la porte quand la ressource s’est tarie. L’aquaculture a pris la relève, avec les dégâts inévitables : saumons sauvages pris dans les filets flottants ouverts, eaux empoisonnées par la nourriture, invasion de méduses… Là encore, les installations devenues inutiles sont souvent laissées, sur place, à l’abandon.
Il reste crabes et crevettes, gaillardement pêchés. Tout le monde a ses casiers, mais pour combien de temps ? Il reste quelques phoques timides. Des petits oiseaux qui montrent leur cul blanc en plongeant. Des corbeaux, des aigles, quelques hérons, et – quand même – quelques ours.
L’espoir vient peut-être du fait qu’il n’y a plus grand monde. Une fois éteintes les civilisations traditionnelles des Premières Nations, une fois épuisée la colonisation du siècle dernier, le tourisme va-t-il changer la donne ? Sans doute pas : Vancouver ou l’Alaska sont plus faciles à promouvoir. Ici, il faudrait plus que les quelques marinas sans téléphone, sans wifi et sans poubelle pour accueillir des multitudes de bateaux de plaisance.
Tant mieux sans doute. La nature pourra-t-elle en profiter pour se reposer ?