Ca y est, nous sommes en route. Nous visitons les Iles San Juan, au Nord Ouest de Seattle. Depuis que nous préparons ce nouveau voyage, c’est la première fois que nous prenons la mesure de ce Pacific North West que nous avons tant désiré. Au bout de quelques jours, des découvertes attendues, mais aussi des surprises.
Comme on nous l’a dit partout, ces îles sont un terrain d’exploration privilégié pour les bateaux : elles sont très protégées de l’océan, avec des vents bien adoucis, et des températures plus clémentes (euh, fraiches quand même). Les baies et les criques abondent, où on peut trouver un coin assez protégé pour poser son ancre et passer la nuit. Quelques marinas si besoin est, où accoster – souvent gratuitement – pour quelques heures, le temps de refaire le plein de lait ou de pain. De toute façon, les distances sont courtes, et nous prenons l’habitude des petites étapes, des plans au jour le jour, et des longues soirées propices à la lecture et à la flemme. De quoi nous changer du rythme de notre Great Loop !
Pour autant, ce ne sont pas les paysages sauvages et déserts auxquels on pourrait s’attendre : c’est la pleine saison du soleil et des vacances, et nous ne sommes pas les seuls. Les mouillages sont bien remplis. Avec la marée, les bateaux tournent autour de leur ancre – pas toujours en même temps – et il leur faut de l’espace. De fait les mouillages les plus courus sont assez encombrés. Ca nous arrive même de faire les gros yeux, ou une remarque précise, au retardataire qui voudrait se poser trop près de nous. Dans les endroits les plus fréquentés, le trafic se complique de celui des ferries, des bateaux de pêche, et des hydravions qui décollent au milieu des bateaux. Les phoques dont on voit pointer les moustaches sont des survivants !
Nous avons aussi quelques aperçus d’une navigation plus exigente : dans les passages étroits entre les îles, les courants peuvent être sérieux, et vents contre courants peuvent lever des vagues courtes et hachées dont nous n’avons eu, pour le moment, que des avants-goûts, mais de quoi nous rendre prudents. Deux nuits successives au mouillage avec un vent qui se lève dans la nuit, et nous ne regrettons pas notre investissement dans une ancre surdimensionnée. Et quand le soleil n’est plus là, le paysage vire au tristounet.
On pourrait croire que côtoyer tous ces bateaux, sur les quais ou au mouillage, serait l’occasion de lier connaissance, au moins d’échanger un salut ou quelques mots. Surprise, il n’en est rien. Où sont la convivialité de la Caroline ou de la Floride, le contact immédiat et facile, l’échange spontané, voire la simple courtoisie ? Ici, on croise un autre “boater” sur un ponton, et on ne lui dit pas bonjour. On passe un autre bateau en chemin, et il est de bon ton de garder le regard fixe, droit devant. Un grand salut de la main à l’équipage, comme nous en avions acquis le réflexe, paraît ici tout à fait déplacé.
Cette froideur est difficile à comprendre pour nous : au contraire, un grand nombre de gens très accueillants se sont mobilisés pour nous aider, nous ont accueillis chaleureusement pour échanger librement et parler bateau, bien sûr, mais aussi famille ou politique. Nous avons été invités à partager saumon grillé au BBQ, verre de vin ou dîner avec la plus grande générosité. La famille de Odd et Carol, Randy et l’équipe de Bellhaven Yachts, Jack et Cassandra, propriétaires de Sandpiper, le Squalicum Yacht Club de Bellingham, dont nous faisons maintenant partie, et dont nous arborons le fanion.
Alors, réserve nordique ? Tradition ? Heureusement, il y a Lopez Island. Ici, tout le monde salue tout le monde. On marche vers Lopez Village et 90% des conducteurs vous font un signe de la main, souvent deux ou trois doigts levés au dessus du volant. Bien sûr, nous répondons à notre façon, digne et décontractée.
Déjà, notre premier épisode des îles San Juan va sur sa fin : retour à Bellingham dans quelques jours, pour retrouver signal téléphonique convenable et connexion internet, compléter notre approvisionnement, et garder le contact avec nos supporters. Une petite semaine, et nouveau départ, cette fois pour le Canada, les Gulf Islands, et Vancouver.
En attendant, le dessert ce soir, c’est Banana Bread maison !